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Photo du rédacteurVincentAGNES

La forêt hantée d'Aokigahara au Japon.


Aokigahara, la mer d'arbre.

La forêt des suicides

青木ヶ原

C'est un passage issu de mon carnet de voyage sur le Japon.

Cette forêt est dite "hantée" car chaque année des dizaines de personnes (japonais et autres) viennent s'enlever la vie.

Généralement c'est par pendaison, mais ceux qui n'ont plus le courage de passer à l'acte, peuvent se faire "avaler" par la forêt.

En effet la végétation est très dense et le sol est composé de pierres volcanique couvertes de mousses et de feuilles qui dissimulent des crevasses. Il est facile de se retrouver enseveli ou perdu dans ce dédale.

Le problème, c'est que cette forêt mythique est assez loin de mon hôtel, près du lac Kawaguchi que j'avais choisi pour sa vue du mont Fuji.

J'avais loué un vélo minable, clairement trop petit pour moi et chaque mètre était un cauchemar.

Je prenais mon courage à deux mains et m'attaquait à la montée interminable qui y menait. 15 kilomètres.

Après quelques litres de transpiration et un sacré mal aux fesses à cause de la selle, je me retrouvais à pédaler sur une route, entourée d'une immense forêt.

J'y étais.

En roulant, je voyais un vélo à peine dissimulé à la lisière de la forêt.

Était-ce un curieux comme moi ou quelqu'un qui ne reviendrais jamais ?

Je continuais pendant que mon cerveau me comptait toutes sortes d'histoires possibles.

Après quelques minutes, j'observais des bandeaux colorés à une centaines de mètres de la route. Un temple ?

Je cachais mon vélo à deux pas du bord de cette grande route et m'enfonçais.

Instantanément, je n'avais plus de réseau téléphonique.

Je n'entendais quasiment plus les voitures alors que je pouvais en deviner encore passer entre les arbres.

Cette forêt est une bulle.

Très vite, je notais que le sol était en effet instable.

Il me fallait faire gaffe, je souhaitais vivre en peu.

J'atteignais enfin ces banderoles qui me rappelaient celles qu'on voit sur les photos des hauteurs du Tibet ou du Népal.

Une sorte de sanscrit y était imprimé.

Je prenais quelques minutes pour m'imprégner de l'ambiance et allumais une cigarette, comme pour me créer une compagnie.

Seuls quelques oiseaux apportent des bruits rassurants.

Les arbres craquent et semblent comme pleurer.

Les frissons me montaient.

De nouveaux bruits.

Et si je n'étais pas le bienvenu dans cette forêt ?

Je voyais au loin, une masse informe bleue. Un cadavre ? À seulement 200 mètres de la route ?

Quoi que certains récits trouvés sur internet précisent que les personnes ne font pas vraiment de longs chemins pour trouver la mort.

Je m'approchais à petits pas et sentait le sang se glacer dans mes veines.

OUF ! Ce n'étais que le reste d'un campement.

Surement des jeunes en manque de sensation forte. J'avoue que la nuit doit être assez spéciale...

Je constatais au passage une longue cordelette jaune. Ce fil d'Ariane semblait s'enfoncer à l'intérieur de la forêt jusqu'à l'infini.

Je retrouvais mon chemin jusqu'à mon vélo et décidais de continuer un peu ma route.

Plus loin, je voyais plusieurs voitures garées et le début d'un sentier.

Je garais mon mauvais vélo et commençais ma petite rando.

Le chemin proposait des alternatives pour aller visiter des grottes.

Je m'assis pour écrire le bout de texte précédent et allais pour repartir quand je rencontrais un homme d'un certain âge qui me demandais si je revenais du mont Omuro, un volcan éteint.

Il me racontait qu'il n'était pas loin et qu'il offrait une belle vue du mont Fuji.

Je décidais de l'accompagner.

Au bout de 20 minutes de montée intense, il me demandait de continuer sans lui, trop fatigué. Une pause s'imposait pour qu'il reprenne son souffle.

Je continuais seul...

Ca ne s'arrêtait jamais ! Je me demandais si je ne devais pas repartir, mais je notais avec une attention exemplaire que les pentes à ma gauche et à ma droite convergeaient en direction du sommet.

Je n'étais plus très loin.

Au bout d'une heure, j'étais en haut.

Mon cadeau ? Une superbe vue du mont Fuji depuis les 1400 mètres d'altitude d'un volcan dans une forêt mystique.

La descente fut rapide.

Je resserais mon sac, rangeait mon appareil photo, réajustais mes chaussures et je m'élançais à toute vitesse dans cette pente qui m'avait semblé interminable à monter.

Je slalomais entre les arbres, surfant sur les feuilles mortes.

Ca me rappelais mon adolescence dans les canyons du Luberon.

Soudain, une branche dissimulée sous cet épais tapis de feuille me bloquais net la jambe.

Ouf, rien. Mais c'était limite.

J'aurais bien l'air d'un con avec une jambe cassée en lisière d'une forêt maudite...

Mais ce sentiment de liberté et de vitesse est tellement addictif...

Tant pis, je continuais.

Arrivé en bas (et sans rien de cassé) où j'étais supposé avoir commencé l'ascension, je ne reconnaissais rien.

Et pourtant, c'étais le bon chemin.

La lumière qui avait changé depuis mon départ avait totalement modifié la perception des lieux !

Surprise, devant ma bicyclette, mon compagnon de marche.

Il était resté moins longtemps que moi au sommet et m'attendais pour savoir si j'allais bien.

Nous nous sommes échangés nos cartes de visite. Waou, un président d'une société de réalisation. Cool.

Je rentrais, fier, aux bords du beau lac de Kawaguchi. Plus de 46 km de balade. Et des émotions qui nous font sentir en vie.

Paradoxal pour un endroit où la mort est familière.

Merci pour votre lecture. J'espère que ce passage vous a plu.

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